Minutes de silence

Minutes de silence (texte écrit après les attentats de Bruxelles)

Il y a un moment, juste avant le lever du soleil, où tout devient silencieux; les oiseaux arrêtent de chanter…

Dans ce grand silence qui précède l’aube, on aurait envie de croire que tout est possible…

Dans le grand brouhaha médiatique qui suit l’explosion des bombes, je pense à ces minutes de silence, organisées un peu partout, dans les écoles, les lieux publics, les ministères, les entreprises…

Ce silence qu’en fait nous ne trouvons nulle part, sinon en nous: silences lourds de sens ou de non-sens, où chacun se retrouve avec soi-même et ses pensées, de haine, de vengeance, de colère, d’incompréhension, d’effroi, parfois d’espoir ou d’amour…

Le silence sied mal aux vivants. Dans nos villes hyperactives, il est inexistant. Dans les campagnes, la vie bouillonnante de la nature qui nous entoure nous rappelle que le silence n’existe pas, sinon très loin au-dessus de nos têtes, là où l’air vient à manquer.

Oui le silence sied mal aux vivants et ces minutes de respect, pour moi, s’égrènent lourdement.

Le jeudi 24 mars, nous étions quelques-uns à reprendre la ligne 5 du métro à Delta. La station d’ordinaire animée à 9h du matin était presque vide et ne résonnait que du bruit de la rame arrivant à quai.

A Schuman, le terminus, nous nous sommes dirigés en file vers l’unique sortie. Silencieux, comme si l’on avait craint de manquer de respect envers ces morts encore si proches de nous…

Cette procession silencieuse était emplie d’une tristesse insondable. Comme si nous sentions que, vivants, rescapés ou non, nous n’étions pas tout à fait à notre place.

Le silence des vivants et celui des morts sont sans doute très différents. Qui peut le dire? Mais en certains moments ils se rejoignent. À ces moments-là plus qu’à tout autre, vous mesurez à quel point la vie est fragile.

MP JADIN – 24 mars 2016